Interview de Christophe Bergeron, oncologue pédiatre à l’IHOPe

Le Dr Bergeron est oncologue pédiatre depuis 1996 au Centre Léon Bérard. Il est à l’origine du projet de structuration de l’IHOPE, l’Institut d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique, qui réunit les équipes du Centre Léon Bérard et des Hospices Civils de Lyon.

Cancérologie pédiatrique, bouleversements de la recherche… il a accepté de répondre à nos questions

Pouvez-vous nous expliquer rapidement dans quel contexte est née la structuration de cet institut unique de cancérologie dédié aux enfants malades ?

 

Le Dr Christophe Bergeron : Quand nous avons souhaité nous réunir entre équipes, parce que l’hôpital Debrousse fermait, nous avons pensé à ce projet d’établissement géré conjointement par 2 hôpitaux, que sont le Centre Léon Bérard et les Hospices Civils de Lyon.
Ce projet nous a permis d’être la plus grosse unité mixte d’oncologie et d’hématologie pédiatrique en France. C’est une structuration unique en France dans les grandes villes où les services d’hématologie et d’oncologie (tumeurs solides) pédiatrique sont normalement séparés.

L’IHOPE est unique. Nous proposons à la fois toute la palette de traitement possibles, ainsi que de très nombreux essais cliniques précoces et nous avons aussi réussi à développer depuis 10 ans les métiers transversaux que sont la prise en charge de la douleur, la psychiatrie et la prise en charge psychologique ou encore les animations pour rendre le séjour moins difficile pour nos jeunes patients et leur permettre de garder le lien avec leur famille et leurs proches.
En nous structurant de façon conjointe, nous accompagnons mieux les enfants au quotidien et nous allons plus loin.

 

Pouvez-vous nous parler de l’évolution de ces dernières années en cancérologie pédiatrique ?

La cancérologie pédiatrique a fait tous ses progrès entre 1960 et 2000. Nous avons progressé sur les traitements, mais aussi, plus récemment, sur des améliorations techniques en chirurgie et en radiothérapie par exemple, qui permettent de réduire les séquelles.

En revanche depuis les années 2000, en termes de taux de guérison, le taux est parfaitement stable : nous guérissons 4 enfants sur 5.

Nous nous attachons maintenant à trouver comment guérir le 5ème enfant.
Grâce au travail conjoint de la recherche fondamentale, de la recherche translationnelle et de la recherche clinique en cancérologie pédiatrique, d’immenses progrès sont en train d’être faits pour trouver de nouveaux traitements.
Actuellement, on axe la recherche sur la compréhension des mécanismes de développement du cancer chez l’enfant parce qu’ils sont différents de celui de l’adulte. C’est la recherche fondamentale qui est en train de nous donner les pistes pour les traitements de demain : sur le site du Centre Léon Bérard, beaucoup d’équipes de recherche se dédient d’ailleurs à la recherche en cancérologie pédiatrique.

 

Concrètement alors, quels espoirs peut-on nourrir pour les années qui arrivent ?

Très concrètement, pour guérir ce 5ème enfant que l’on ne guérit pas aujourd’hui, les thérapeutiques ciblées qui arrivent vont être extrêmement intéressantes.

Il s’agit de traitements qui vont cibler soit la cellule cancéreuse pour être plus spécifique que la chimiothérapie ou alors cibler le système immunitaire pour le booster afin qu’il détruise les cellules cancéreuses. Il faut se rappeler que si le cancer a pu s’installer c’est parce qu’il y a eu une tolérance entre le système immunitaire (chargé de chasser les cellules cancéreuses) et les cellules cancéreuses qui ont réussi à éduquer le système immunitaire à les tolérer.

L’idée est donc d’essayer de casser cette tolérance pour permettre au système immunitaire de reprendre son travail et la manipulation génétique des lymphocytes T est une application concrète porteuse d’espoir en ce sens.

On parle alors de CAR-Tcells : un traitement complètement individualisé où l’on manipule génétiquement les globules blancs (lymphocytes T) pour qu’ils se mettent à attaquer les cellules cancéreuses. Ces traitements ont fait leurs preuves dans la leucémie aigüe de l’enfant, avec des résultats extraordinaires.

Pour l’IHOPE, ces traitements démarreront normalement à la fin de l’année 2018. C’est le fruit de 30 ans de recherche à l’échelle mondiale, susceptibles à la fois de guérir le 5ème enfant dont nous parlions, mais aussi de mieux traiter l’ensemble des enfants pris en charge, avec des thérapeutiques moins toxiques et mieux ciblées.